Rétrospective
30 ans de la Coopérative Cité Derrière

Lausanne, Mars 2025
En 2025, la Coopérative Cité Derrière célèbre ses 30 ans. Une occasion unique de revenir sur trois décennies d’engagement en faveur du logement d’utilité publique.
Pour marquer cet événement, nous avons choisi de publier une rétrospective, retraçant les étapes clés de notre histoire.
Cette première rétrospective ci-dessous est consacrée à nos origines et à la période 1995-2000, une époque où l’idée d’un logement accessible et social était encore marginale en Suisse romande.
Le nom, une vision : la naissance de Cité Derrière
Le nom « Cité Derrière » fait directement référence à notre premier projet situé rue Cité-Derrière, à Lausanne. Ce projet pionnier a marqué la fondation de la coopérative et donné naissance à une vision claire : offrir des logements accessibles et de qualité tout en préservant un patrimoine bâti remarquable.
C’est en 1995, dans un marché locatif dominé par le secteur privé et où le logement d’utilité publique était encore marginal, que Philippe Diesbach, Président fondateur et visionnaire, a réuni autour de lui six professionnels. Ensemble, ils ont relevé le défi de créer un modèle de logement accessible, dans un contexte où le soutien au logement abordable était limité.
Le projet inaugural, fruit d’une collaboration étroite avec l’État de Vaud, a permis de transformer un objet en plein cœur de Lausanne en un ensemble novateur mêlant conservation patrimoniale et innovation architecturale.
Rue Cité-Derrière 18-28 : un projet emblématique
Ce premier projet reflète l’ambition et les valeurs de la coopérative :
- conservation patrimoniale : l’immeuble existant au numéro 28, classé monument historique, a été rénové avec soin, incluant la préservation d’une fresque historique unique.
- innovation architecturale : une nouvelle construction a été intégrée à l’ensemble pour offrir une continuité esthétique et fonctionnelle.
Ce projet comprenait 28 logements subventionnés (jusqu’en 2012) grâce au soutien de la Ville de Lausanne et de l’État de Vaud, ainsi que deux locaux commerciaux.
Typologies des logements :
- 5 appartements d’une pièce
- 1 appartement de 2 pièces
- 10 appartements de 3 pièces
- 12 appartements de 4 pièces
Ces logements, désormais régis par des loyers contrôlés, ont garanti l’accessibilité financière dès le départ, pérennisant ainsi la mission de la coopérative.
Une collaboration déterminante : Philippe Diesbach et l’État de Vaud
Le projet fondateur de la Coopérative Cité Derrière a pris forme à l’époque grâce à une rencontre décisive entre Philippe Diesbach et François-Joseph Z’Graggen, architecte au Service des bâtiments et monuments de l’État de Vaud.
C’est François-Joseph Z’Graggen qui, ayant perçu le potentiel du projet, en a présenté les grandes lignes à Philippe Diesbach, un homme visionnaire et prêt à saisir des opportunités innovantes. À cette époque, les solutions traditionnelles de financement étaient limitées et les défis pour lancer un tel projet étaient nombreux. Mais, grâce à la confiance des autorités cantonales et à l’audace de Philippe Diesbach, cette rencontre a permis d’initier un modèle de logement social novateur.
François-Joseph Z’Graggen se souvient de cette époque : « Dans toute ma carrière d’architecte, j’ai eu la chance de pouvoir mener de front des activités d’enseignant, d’architecte, de planificateur et de rédacteur. Il y a une trentaine d’années, je dirigeais le bureau ADN à Nyon, j’étais rédacteur en chef de la revue Habitation et chargé à l’État de Vaud de mettre en œuvre la volonté du Conseil d’État de désengorger l’administration de la Cité à Lausanne pour rendre à ce beau quartier un peu plus de vie civile. À ce titre, il fallait installer la Police cantonale qui occupait l’essentiel de la rue Cité-Derrière au Mont-sur-Lausanne : cela s’est fait en trois étapes avec à chaque fois un concours d’architecture, un notamment pour programmer les bâtiments à rénover ou reconstruire à la Cité. Cette programmation s’est faite en collaboration avec une grande société coopérative de la place, qui de suite après la promulgation des résultats du concours n’a malheureusement plus pu assumer son rôle : nous nous trouvions avec des locaux à transformer ou à construire, un architecte lauréat, mais sans maître d’ouvrage. L’USAL (future Armoup) était alors présidée par René Gay directeur de la SCHG que je rencontrai fréquemment et auquel je confiai mon désarroi. Il a alors fait jouer ses relations avec le Conseil d’État vaudois et les milieux immobiliers de la place pour relever le défi en créant ad hoc avec Philippe Diesbach une nouvelle société coopérative d’habitation dont le nom était tout trouvé. »
Cette collaboration a permis de concrétiser un projet pionnier qui a non seulement répondu à un besoin urgent de logements accessibles, mais a également ouvert la voie à un modèle unique de financement et de gestion, alliant ambition et réalisations concrètes.
Les soutiens publics
L’un des éléments clés de la réussite de ce projet a été l’appui des autorités, incluant des subventions de la Commune de Lausanne, de l’État de Vaud et de la Confédération. Ces soutiens ont permis de garantir un financement stable et d’atténuer les risques associés à un projet de cette envergure.
Le projet a aussi bénéficié de l’intervention de la commune de Lausanne qui a accordé un droit de superficie, facilitant ainsi l’implantation du projet dans un emplacement stratégique du centre-ville. L’État de Vaud, quant à lui, a apporté un cautionnement essentiel, soutenant la solidité financière de la coopérative et renforçant la confiance des partenaires privés.
Les défis et les innovations de Philippe Diesbach
La vision de Philippe Diesbach s’est concrétisée par un montage économique innovant, qui a permis de financer des projets immobiliers en intégrant des parts sociales des maîtres d’État et des locataires. Cette approche unique a marqué un tournant dans la manière dont les projets de logement social étaient financés à l’époque.
Joël Cornuz, Président de la Coopérative Cité Derrière, arrivé en 2005, a souligné les défis importants de cette période, notamment la difficulté de mobiliser des fonds sans avoir de capital propre. Selon ses mots : « L’un des grands défis de l’époque était de mobiliser des fonds sans avoir de capital propre. Grâce à une réflexion novatrice et le soutien des pouvoirs publics, il nous a été possible d’obtenir des financements à hauteur de 90%. Ce modèle de financement non conventionnel a permis à la Coopérative Cité Derrière de se développer. »
Cette période, marquée par une forte instabilité financière, a été d’autant plus complexe pour la création de la Coopérative Cité Derrière, installée au cœur de Lausanne avec des projets de grande envergure, dans un contexte où la structure n’existait pas encore et où les risques étaient considérables. Cependant, la vision de Philippe Diesbach et son approche stratégique ont permis à la coopérative de se lancer et de s’imposer comme un acteur incontournable dans le domaine du logement social. Le succès de ce modèle est le fruit d’un travail acharné, d’une grande innovation et d’une volonté de surmonter les obstacles financiers de manière efficace.
Le point du vue du Professeur Bruno Marchand
Le Professeur Bruno Marchand, spécialiste en urbanisme et stratégie du logement, a, à plusieurs reprises, souligné l’importance de cette initiative pionnière dans le paysage vaudois du logement. Selon lui, « ce fut une opération d’une coopérative encore inconnue, un pari audacieux : construire au centre historique de Lausanne avec une typologie extrêmement novatrice dans un contexte aussi complexe. Philippe Diesbach a pris le risque de bousculer les normes et d’initier un modèle unique. Cette opération a marqué un tournant décisif. »
Le Professeur Bruno Marchand considère ce projet comme un moment clé dans l’histoire du logement coopératif vaudois. À l’époque, des modèles financiers alternatifs étaient encore peu explorés, et cette opération a permis de briser les contraintes traditionnelles pour donner naissance à un projet qui, aujourd’hui, est devenu une référence. Il a également précisé que ce modèle a probablement inspiré d’autres coopératives et projets futurs dans la région, en montrant qu’il était possible de conjuguer innovation sociale et pérennité financière.
Une célébration, un hommage
Cette rétrospective est aussi l’occasion de rendre hommage à Philippe Diesbach, dont la vision et l’engagement ont jeté les bases de la coopérative. Disparu en 2022, il laisse derrière lui un héritage qui continue d’inspirer chaque projet que nous entreprenons.
Remerciements
Par ces lignes, la coopérative souhaite exprimer sa profonde gratitude envers Philippe Diesbach, Selim Bensaci, Alexandre Henny, André Urnand, Armand Realini et Pierre-Louis Bornet, membres fondateurs de Cité Derrière. Leur vision, leur engagement et leur collaboration ont été essentiels à la concrétisation de ce projet, ouvrant ainsi la voie à une initiative qui transformera durablement le paysage du logement social.
La coopérative remercie également le Professeur Bruno Marchand et Francois-Joseph Z’Graggen pour leurs partages.
1995-2025 : un développement constant
Depuis ses débuts, la Coopérative Cité Derrière a réalisé plus de 60 projets, offrant aujourd’hui plus de 1 500 logements à travers la Suisse romande.
Nos valeurs fondamentales sont restées intactes :
- accessibilité financière : des loyers abordables adaptés aux besoins des habitants ;
- innovation durable : une attention particulière portée à l'empreinte écologique et aux standards de construction durable ;
- mixité sociale : une volonté d’encourager la diversité dans les communautés résidentielles.